Canicules et sécheresses

dans les Pyrénées été 2025

 

Le jardin-forêt Pré Vert a très bien résisté à la première vague de chaleur de début juillet 2025. La deuxième, qui a débuté début août et qui n'a été accompagnée d'aucune précipitation a laissé des traces impressionnantes. Les deux photos ont été prises Le 30 juin et le 17 août 2025, dans une partie du jardin qui n'est pas arrosée :

 

Le 30 juin et le 17 août 2025, dans une partie du jardin-forêt Pré Vert qui n'est pas arrosée

 

Est-ce que chaque été (ou presque) sera désormais

le plus chaud jamais enregistré ?

 

Jusqu'en 2022, j'espérais que notre petite vallée de l'Ouzom nous protégerait au moins un peu des hausses de température trop brusques et de la sécheresse trop extrême. Pourquoi ?

Grâce à la petite rivière Ouzom, nous bénéficions normalement d'un rafraîchissement nocturne régulier (440 mètres d'altitude). les grandes forêts denses qui nous entoure, rafraîchit l'air grâce à la photosynthèse et à l'évapotranspiration des arbres. À ces effets bénéfiques s'ajoute le fait que, jusqu'à présent, les montagnes ont régulièrement connu des orages et des pluies plus ou moins abondantes en été, en raison de l'influence climatique atlantique. Nous supposons que, pour ces raisons, depuis le début du projet Jardin-Forêt Pré Vert en 2013, le thermomètre n'a jamais dépassé les 29 °C, même lorsque les vagues de chaleur ont entraîné des températures beaucoup plus élevées dans les plaines de Nay ou à Pau.

Les arbres dans les zones tempérées sont généralement des plantes C3 (95 % des plantes de la planet). Les plantes C4 sont souvent des herbacées ou des graminées qui ont évolué pour s'adapter à des conditions de chaleur et de sécheresse. La température optimale pour la photosynthèse C3 se situe entre 10° et 34° C environ. Ces plantes ont développé un mécanisme de protection et cessent progressivement la photosynthèse en dehors de cette plage de température. L'activité photosynthétique et, par conséquent, l'effet rafraîchissant diminuent considérablement lorsque les températures dépassent 35 °C et cessent presque rapidement au-dessus de 40 °C. 

Sans l'effet de refroidissement, les sols forestiers se réchauffent et s'assèchent plus vite, ce qui peut impacter les champignons ectomycorhiziens sensibles à la chaleur et à la sécheresse. Ces champignons, indispensables aux fonctions écosystémiques, peut disparaître en raison d'un tel stress répété pendant plusieurs étés consécutifs chauds et secs. On observe généralement un recul des populations fongiques. Une autre cause possible serait l'augmentation des concentrations d'azote dans les sols forestiers.

À partir de la deuxième semaine d'août jusqu'au 17 août, notre thermomètre affichait quotidiennement entre 34 °C et 38 °C, avec des pics atteignant les 40 °C. Certaines parties des forêts montagneuses qui nous entourent sont complètement brunies. Par endroits, en moyenne, 20 à 30 % des arbres ont perdu leurs feuilles prématurément. L'orientation et l'inclinaison du site ainsi que la nature du sol jouent un rôle important. De nombreuses espèces d'arbres, comme les frênes et les hêtres par exemple, sont stressées depuis de nombreuses années, même si les symptômes n'étaient pas toujours évidents pour nous.

Beaucoup d'arbres n'ont même pas eu le temps d'extraire les minéraux de leurs feuilles pour accumuler des réserves correctement, permettant à l'arbre de redémarrer au printemps suivant, avant que ne commence l'activité photosynthétique. Même les aulnes au fond de la vallée ont perdu bonne partie de leurs feuilles encore vertes et pleines de sève. À certains endroits, de nombreux arbres portent encore leurs feuilles brunes et sèches. Le risque d’incendie est extrêmement élevé dans une telle situation.

 

La nature du sol et la proximité de la nappe phréatique jouent un rôle important pour un écosystème lorsqu'il s'agit de survivre sans problème à de longues périodes de sécheresse. Le jardin-forêt Pré Vert se trouve sur un sol limoneux peu profond. Le sous-sol est constitué d'éboulis fluviaux. La première couche aquifère (zone phréatique ou nappe phréatique libre) à partir de la surface du sol ne semble pas très proche.

Lors de pluies persistantes et intenses, des sources qui jaillissent le long de la rivière montrent clairement que le régime hydrique de notre sol n'est pas homogène. Dans certains secteurs, l'eau du sol s'est épuisée beaucoup plus rapidement, ce qui indique un effet de drainage relativement important du sous-sol. La plupart des arbres et de plantes ont cependant résisté étonnamment bien à la sécheresse, même si l'on peut s'attendre à nettement moins de fruits.

Dans le jardin-forêt Pré Vert, seules les plates-bandes de légumes sont arrosées. En dehors de ces zones, la sécheresse du mois d'août a laissé des traces. Certaines plantes, comme les hortensias et les fuchsias, avaient perdu la majeure partie de leur feuillage. Les feuilles des feijoas se sont partiellement enroulées. Si la chaleur et la sécheresse avaient duré une semaine de plus, elles auraient également perdu leurs feuilles. J'ai pu aider certains arbustes sélectionnés à surmonter le pire en les arrosant abondamment. Dans l'ensemble, le rendement est toutefois fortement réduit. En vivant au bord d'une rivière, on dispose d'une quantité d'eau pratiquement illimitée. Les seules limites sont l'équipement technique et le temps disponible. Pour les jardiniers qui ne disposent que d'eau de pluie, ces conditions météorologiques sont une épreuve très difficile.

 

Il est réconfortant, d'observer les incroyables capacités de résilience 

des écosystèmes très vieux et très riches en espèces.

 

Un tel exemple encourageant issu de la recherche actuel est celui de la forêt de la Massane (massif des Albères, la partie la plus orientale des Pyrenées) On y a examiné un If vieux de 6 à 7 siècles, lié à environ 12 000 champignons symbiotiques. Les nombreux membres de ce système communiquent non seulement entre eux, mais aussi avec toutes les autres plantes et tous les autres champignons de la forêt de la Massane.

Les scientifiques ont identifié jusqu'à présent 35 000 espèces de champignons dans cette forêt.

Une telle diversité signifie avant tout une multitude colossale de stratégies de résilience, une quantité quasi infinie de possibilités d'adaptation aux changements de l'environnement ! Les expériences des crises et le développement de nombreuses réponses possibles par ces fonges s'est cumulée depuis des centaines de millions d'années et repose sur tous les changements environnementaux qui se sont produits sur Terre au cours de ces immenses étendues de temps.

Cette forêt interconnectée est un trésor inestimable. Nous pouvons découvrir des mécanismes étonnants de capacité d'adaptation d'écosystèmes complexes. Une meilleure compréhension nous aide certes, mais nous ramène depuis longtemps toujours à la même conclusion : nous avons besoin de la nature dans toute sa diversité. La résilience et une forte capacité d'adaptation ne peuvent exister que de manière très limitée dans des systèmes simplifiés.

Les hêtres ne devraient plus exister dans la forêt de la Massane. Ils se trouvent depuis un certain temps déjà bien en dehors de la zone climatique dans laquelle leur existence est possible. Il fait beaucoup trop chaud et beaucoup trop sec. Et pourtant, ils sont toujours là, sous leur forme adaptée et modifiée par leurs nombreux partenaires fongiques et beaucoup d'autres micro-organismes. Ces hêtres pourront peut-être accompagner encore longtemps la transition en cours de l'un des écosystème le plus riche de France.

Présentation impressionnante des processus de transformation étudiés dans la forêt de Massane :

https://www.youtube.com/watch?v=1ok8T5pfuws

 

 

Date de dernière mise à jour : 19/09/2025